jeudi 5 février 2015

24 janvier 2015

PORTRAIT

Réna signifie Reine.
Pourtant, Réna n’a rien d’une reine.
Joufflue des joues jusqu’aux talons en passant par les fesses, elle laisse sombrer sur ses épaules une masse de cheveux gras et filasses qu’elle n’attache jamais.
Elle promène sur le monde une paire d’yeux bleus vitreux, anesthésiés par les mélanges de bières et de vins blancs qui circulent dans ses veines.
Quand elle marche, elle semble s’enfoncer dans le bitume sombre. La silhouette noire de ses vêtements informes flotte sur ses boursoufflures.
Réna signifie Reine et elle ne le sait que trop.
Réna est reine du bistrot du coin de la rue.
Réna est la reine des brèves de comptoir qu’elle enfile comme des perles en plastique d’un collier bon marché made in China.
Réna est reine en son petit cercle de compagnons d’infortune qui, comme elle, concoctent chaque jour, une immonde salade composée des ragots et des rumeurs indigestes d’une civilisation en passe d’écroulement.
Réna signifie reine.
Réna n’a rien d’une reine.
Il y a bien longtemps qu’elle a été bazardée du trône de ses amours, gérées à grands coups de gueules, de gifles et de poing.
Réna signifie reine.
Elle a tout d’une reine.
Déchue.

Anne
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Armelle était une drôle de fille qui ne faisait rien comme tout le monde. Elle était née au fond des bois dans une cabane mais on n'en savait pas plus. Elle était très sauvage, ne se mêlant de la vie de personne et vivant à l'écart du village.

Un cirque arriva un jour et avec lui un trapéziste renommé. Armelle fit une entorse à ses habitudes et prit un billet pour l'unique séance.
Elle fut éblouie par le numéro du trapéziste et monta aussitôt sur scène quand il demanda un volontaire pour essayer les mouvements de base. Elle réalisa tous les exercices avec aisance comme si elle l'avait toujours fait, on eût dit qu' elle faisait partie de la vie du cirque et surtout du trapéziste.
Le cirque repartit, emmenant la fille avec lui et on ne les revit jamais plus !

Odile
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HOMOSYNTAXISMES

J’ai chanté, j’ai aboyé un couplet, un refrain, une chanson mièvre au son d’un biniou qui se dégonflait et agonisait.
Un poussif trombone reprenait le couplet asthmatique, le refrain, la chanson, une rengaine, un canon qui voletaient, volaient sur l’horizon, le nuage claustrophobe en partance pour une planète qui planait.

Regarde, vois le soleil, le nuage, le ciel bleu, la lune, les étoiles se divertir et rire.
Le soleil bleu et le nuage s’aiment, le ciel bleu, la lune, les étoiles et l’oreille s’assemblent, se rassemblent sous la voûte, la lumière blanche dans l’ombre et l’espace qui vibrent.

Anne
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Le brochet, fou de douleur, vacille sur son lit de mousse mais les sauve-qui-peut, je n'en puis plus, sortez-moi de là n' y pourront rien changer car le pêcheur et sa cuisinière, avides de chair fraîche et de bonne cuisine, vont le dévorer tout cru !

Elles ont oublié de venir la souris et la sardine sauce piquante dans le chapeau de l'illusionniste qui l'avait enlevé puis remis !

Odile
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10 janvier 2015

Écrire

Écrire pour exister
Écrire pour penser
Écrire pour partager
Écrire pour échanger
Écrire pour construire
Avec toi
Pour toi
Avec vous
Pour vous
Pour nous
Pour nos enfants
Pour qu’ils puissent exister
Pour qu’ils puissent penser
Pour qu’ils puissent partager
Pour qu’ils puissent échanger
Pour qu’ils puissent se construire
Et bâtir un monde de pensées
Pour eux
Pour leurs enfants
Écrire

Anne
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13 décembre 2014

22 novembre 2014

8 novembre 2014

DIALOGUE

X : J’ai pas envie de causer.
Y : Moi non plus.
X : T’as envie de quoi ?
Y : De rien.
X : Moi, j’écrirais bien un poème.
Y : Ben ouais mais la dame, elle a dit qu’il faut parler.
X : On s’en fout.
Y : Ouais. T’as raison.
X : J’y vais.
Y : Lâche-toi. T’inquiète pas. Je reste. Je dis rien. Je suis là.

(Silence)

X (slame):
Je marche. Je m’arrache.
La ville m’ouvre ses bras.
C’est pas que je sois de là-bas.
Mais je suis pas d’ici non plus.
Je marche. Je m’arrache.
La ville, ses caniveaux.
Y’a pas que du beau là-haut.
Y’a pas que du beau ici.
Alors, je marche. Je marche.
Je m’arrache et je me recolle.
Je suis en morceaux d’éclats.
Un peu de là-bas mais pas beaucoup.
Un peu d’ici mais pas beaucoup non plus.
La ville m’ouvre ses tripes.
Je fumerais bien un joint.
Toi, tu me manques déjà.
Alors, je marche et ça m’arrache.
Je cours jusqu’à toi.
La ville dans tes bras.
La ville dans ses caniveaux.
Je volerais bien un peu plus en éclats.
Pour être complètement de là-bas.
Ou complètement d’ici.
Je marche, ça m’arrache.

Y (slame):
T’inquiète pas mon pote.
On est dans la même galère.
Jamais de là-bas.
Jamais d’ici non plus.
Moi aussi, je fumerais bien un joint.
Qu’on en fumerait un tous les deux.
Et qu’on partirait là-bas une bonne fois pour toutes.
Ou qu’on resterait ici une bonne fois pour toutes.
T’inquiète pas mon pote.
On est dans la même galère.
Toujours de là-bas.
Et toujours d’ici aussi.
On se fumerait bien un joint.
Pour un aller simple.
Et on serait de là-haut.
On y resterait.
On serait enfin de quelque part.
Ce serait le panard.
T’inquiète pas mon pote.
On est dans la même galère.
Ton chant est ma chanson.
Ta chanson est mon credo.

X  et Y (en chœur) :
On marche, ça nous arrache.
Ca nous arrache et on se recolle.
T’inquiète pas mon pote.
On est dans la même galère.
Mais un jour, on sera tous définitivement de là-haut.
   
Anne
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vous êtes en retard; vous vous asseyez dans le fond et vous ne regardez personne.
comme vous êtes jolie avec vos cheveux en arrière et ce chemisier qui vous va si bien!
vous vous concentrez, vous souriez, vous riez parfois...
vous me regardez soudain et je reconnais mon double.
vous m'aimez déjà mais vous ne le savez pas encore.
vous serrer dans mes bras,
votre allure dansante,
votre présence-absence qui appelle...
des mots à moi seul destinés: tout réécrire !
vous savez bien que rien n'est possible
mais cela vous indiffère car vous avez déjà tout !

Odile
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11 octobre 2014

RÊVERIE
On irait dans les bois...on marcherait encore,
et le temps passerait; il n'y aurait plus de temps.
On oublie le vent et la mer, on oublie toutes ces phrases,
on oublie que le temps vit en dehors de nous
et que nous ne savons plus que penser, quoi vivre, qui attendre.
On oublie tout et on rêve que la mer et l' amour et le passé et le présent
s' entremêlent doucement pour laisser le vent s' asseoir dans la chaise-longue du temps
qui va et vient, nous roule et nous embrouille et nous saoule
et nous laisse épuisé d' attendre qu' il nous éveille à l' éternité.

Odile
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Porte de la Loire
Marcher et marcher encore
Aller, s’en aller

Aller, s’en aller
Tout en restant à s’ancrer
Pour rester et être

Pour rester et être
Prendre pied encor, encor
Enfin s’évader

Enfin s’évader
De l’automne en ombres grises
En brouillard d’étain

En brouillard d’étain
Comme la feuille
Tourbillon de lune

Tourbillon de lune
Larguer les lourdes amarres
S’envoler en plume

S’envoler en plume
Sur une embarcation ivre
Bleu, jaune, le vent

Bleu, jaune, le vent
Feuille craque en tourbillon
Fleuve lourd me porte

Fleuve lourd me porte
Et m’ouvre ses grandes portes
Les saules nus, froids

Les saules nus, froids
Les neiges d’antan, mon cou
Offert au baiser

Offert au baiser
Rouge, vert, la porte s’ouvre
Et je me souviens

Et je me souviens
Noirs, blancs, noirs peut-être si
Les étoiles filent

Les étoiles filent
Je cueillerai la lune
En bouquet lumière

En bouquet lumière
Petit bonbon blanc s’effondre
Sous mon palais chaud

Sous mon palais chaud
C’est la chaleur du bonheur
Aux mille lumières

Aux milles lumières
Des automnes inventés
Bleu, jaune s’écoulent

Bleu, jaune s’écoulent
Feuille craque en tourbillon
Fleuve lourd me porte

Fleuve lourd me porte
Et m’accueille en sa musique
Quelques notes d’eau

Quelques notes d’eau
Rouge, vert glissent les eaux
Comme feuille rousse

Comme feuille rousse
Blancs, noirs, blancs peut-être si
Toucher les étoiles

Toucher les étoiles
Comme ça du bout des doigts
Et les caresser

Et les caresser
Douceur d’étoiles filantes
Retombent en automne

Retombent en automne
Et glissent sous les eaux
Lumière de boue

Lumière de boue
Et effleurer les voyages
Jusqu’à l’océan

Jusqu’à l’océan
Rouler en petits galets
Eclats de nos rires

Eclats de nos rires
Des sourires invités
Bleu, jaune, vert, blanc

Bleu, jaune, vert, blanc
Du blanc des bouquets offerts
Aux tombes bien closes

Aux tombes bien closes
Accrocher la lune
Revenir au fleuve

Revenir au fleuve
Marcher et marcher encore
Aller et rester
   
Anne
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SLOGANS POUR PRODUITS A INVENTER

Tach’Tach’, la première lessive qui masque les taches en tachant votre linge !Une vie sans Tach’Tach’ est une vie de pauvre tache.Merci Tach’Tach’ !!

Marre des décape four en tout genre ?Optez pour Crasse-Four !Et la crasse encrasse !Merci Crasse-Four !** (en vente chez C…)

Marre que votre enfant soit le seul élève de sa classe à ne pas avoirde poux ?Pas de panique !Pour-Poux est là !Pour-Poux ?Pour poux à tout prix !

Anne
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Après CRS SS, CRS MM. Adoptez la matraque molle, pour la répression sans la baston !

Devenez une héroïne de Stephen King avec le dentifrice à caries !

La vie est trop dure, c'est clair. Adoptez les lunettes qui rendent myope et votre vie sera plus douce !

Sophie
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jeudi 9 octobre 2014

20 septembre 2014

APOCOPES ET APHÉRÈSES

La rou est lon. Droi jus fini de rizon. L’as foque sous le so lant de mi. Nêtres vertes, elle fend la li gri des tés soiffés. La rou en poin d’épin.

Traduction :
La route est longue. Droite jusqu’à l’infini de l’horizon. L’asphalte suffoque sous le soleil brulant de midi. Fenêtres ouvertes, elle fend la ligne grillée des bas-côtés assoiffés. La route en pointe d’épingle.

Anne
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PARTIR

Partir.
S’arracher.
Se disloquer.
S’abandonner.
Quitter l’ancre.
Elle reste là.
Lasse.
Bras ballants.
Tête ballante.
Pieds ballants.
Jusqu’au vertige.
Larguer les amarres.
A l’infini de l’inconnu.
Ouvrir la porte.
Une dernière fois.
La refermer.
Une dernière fois.
En suffocation.
Du premier pas de déchirure.
Partir.
Encore.
Toujours.
Clore.
Pour éclore.
A une autre partance.
Clore.
En vertige de soi.
Et d’abandon.
Pour éclore.
En perdition certaine.
Et en trouvailles incertaines.
En trouvailles improbables.
Elle reste là.
Lasse.
Dans la lumière froide de ce matin gris.
Larmoyant de pluie.
Elle s’écroule.
En intérieur d’elle-même.
Sans une larme.
Raide comme un robuste piquet.
Rongé de l’intérieur par la vermine.
Et elle sait.
Elle sait.
Qu’elle est déjà partie.
Sur l’île de solitude.
Sur l’île sans il.
Sur l’île sans eux.
Elle sait qu’elle y est déjà.
En île de solitude.
Nul besoin d’ouvrir la porte.
Une dernière fois.
Pour la refermer derrière elle.
Une dernière fois.
Elle est déjà arrachée.
Elle est déjà abandonnée.
Elle a déjà quitté l’ancre.
Largué les amarres.
Avant même de le savoir.
Elle est.
Elle est arrivée.
Depuis longtemps.
Sur l’île de solitude.
Sur l’île aux espaces infinis.
Des grands ergs marins.
Offerts au ciel.
Au soleil.
Aux vents.
Aux pluies.
Aux tempêtes.
Aux tourments.
Elle est.
Elle est arrivée.
Il  y a plusieurs semaines déjà.
Sur l’île de solitude.
Cernée par toutes les mers.
Par tous les océans.
Elle ne savait pas.
Qu’elle avait ouvert la porte.
Une dernière fois.
Qu’elle l’avait refermée.
Une dernière fois.
Parce qu’elle ne pouvait pas savoir.
Pas la force.
Pas le courage.
Pas l’envie.
D’affronter l’évidence.
Le départ irrémédiable.
Pour l’île de solitude.
Dans le matin brumeux.
Elle s’abandonne à l’errance de ses pas.
Le sable est humide.
Son cœur est mouillé.
Les embruns larmoient.
Son âme est en pleurs.
Elle marche en solitaire.
Sur l’île de solitude.
Pour ne pas se perdre.
Dans la conscience de ce départ.
Elle erre en solitaire.
En quête de retrouvailles.
De trouvailles aussi.
Qu’elle ne retrouve pas.
Qu’elle ne trouve pas.
Elle marche à l’infini du grand erg marin.
Pour revenir.
Pour arriver.
Au port inconnu.
S’ancrer de nouveau.
Accrocher les amarres au quai de son nouveau monde.
De minuscules retrouvailles.
En petites trouvailles.
D’errances.
En marches guidées.
Elle construit.
Elle reconstruit.
Son grand erg de vie.
Ses océans et ses mers de nuits.
Tout semble clos.
Elle peut éclore dans la conscience du départ intérieur.
Elle fend l’air.
L’air la fend.
En deux.
En mille.
Éclats vermeils.
Et la laissent en épuisement.
En lassitude.
Elle se remet parfois.
Elle se redresse de ce voyage.
De ce départ.
Elle en sourit.
Elle s’en attendrit.
Et retombe en errance d’elle-même.
Elle regagne la crête de la vague.
Elle replonge en son creux.
Et s’endort.
De l’épuisement de cette quête.
D’ancre.
Et d’amarres.
Et se sent ancrée.
Et se croit amarrée.
Et retombe en errance.
Et ne sait plus.
Et sait.
Et oubli.
Et recommence.
Et regagne la crête de la vague.
Et replonge en son creux.
Et s’endort.
Et reste.
Et repart.
Et s’endort.
Et reste.
Et repart.
Et reste.
Et repart.

Anne
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Il aurait pu partir...mais où ?
De fait, il se trouvait bien là où il était car il y avait toujours quelque chose de nouveau dans sa vie ordinaire !
Tout lui était matière à évasion et il aimait rêver en s'inventant des voyages immobiles.
Il commença pourtant à changer et, peu à peu, à modifier ses habitudes.
Tout d'abord inquiet, il finit par se faire à l' idée de se délivrer de la réputation d' ermite qu' on lui avait prêtée ;
De romancier de la vie des autres, il devint le héros de sa propre vie !

Odile
++++++++


HALTE AUX MÉFAITS DE LA LECTURE

Mesdames et Messieurs, votre attention s’il vous plaît.
Le gouvernement d’I-Know-Everyrhing vient de voter une loi sans précédent. Sur chaque première de couverture des livres mis en vente, devra figurer en gros caractères noirs la mention suivante : LIRE TUE.

Ladies and Gentlemen.
Our President is going to speak :
«  I know everything.
Reading is dangerous for health.
So, stop it now.
And remember : I know everything.
And I see you.
Don’t forget : Stop Reading !!! »

Anne
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6 septembre 2014

PETITS MÉTIERS QUI N’EXISTENT PAS ENCORE…

Ramasseuse de pluie, aux savoirs faire familiaux jamais démentis et transmis de générations de nuages en générations d’orages depuis trois siècles, intervient à n’importe quelle heure du jour et de la nuit sur simple demande « Smstique ». Travail consciencieux. Efficacité et discrétions assurées.

Anne
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Vous aimez les environnements de travail variés (petite dominante campagne),
Vous êtes précis et rapide,
Vous aimez vous défouler et souhaitez décharger votre haine de la vie d’une manière utile ?
Devenez écraseur de mouches !
Écraseur de mouches, un métier qui vous fera voyager.
Partout les animaux et les humains souffrent à cause des millions de mouches qui les entourent. Leur bourdonnement nuit à l’endormissement et agace le bétail. Elles nuisent ainsi à la productivité des employés et du bétail. Bref, les mouches sont un des plus anciens fléaux de la terre.
Vous ne supportez plus de les entendre vrombir, vous rêvez de les massacrer à coup de tapette : le métier d’écraseur de mouches est fait pour vous !

Sophie
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INTERSAISON

Quand on ne se sent déjà pas très bien et que tout bascule,
Quand on ne sait plus où l'on va, où est le jour, où est la nuit,
Quand on attend quelque chose qui ne viendra sans doute jamais,
Quand on est seul au bord des mots qui dansent la sarabande,
Quand les idées s'emmêlent et qu'on ne sait plus les débrouiller,
Quand on n'en peut plus d'attendre...
Alors, soudain, tout éclate par petites bouffées que l'on aspire
Comme l'air que l'on respire et qui s'accroche à nos paupières.
Et l'on peut, débarrassé de toute pensée superflue,
S'engouffrer vers l'inconnu !

Odile
++++++++

Vous ouvrez la fenêtre.
L’air du matin est plus frais.
Il vous saisit un peu.
Mais pas trop.
Juste pour vous prévenir.
Vous préparer.
Avec délicatesse.
Qu’il va falloir sortir un pull de coton à manches longues.
Comme ça.
Juste pour accueillir le matin qui se lève.
Et s ‘étire.
Mais, ce petit pullover, vous pourrez le poser très vite.
Pour retrouver la caresse du soleil qui se réchauffe.
Au contact de vos bras nus.
Offerts.
Pour vous, ce matin là aura la saveur d’un départ.
Mais qui ne fait pas trop mal tout de même.
Comme vous aurez peur de souffrir et de vous faire piéger par le souvenir d’une rupture de vie déchirante, votre esprit passera vite à autre chose.
Vous enfouirez votre nez dans un foulard posé sur le fauteuil avec nonchalance.
Vous fermerez les yeux.
Vous inspirerez profondément le parfum de cet été un peu lourd que vous avez traversé sans trop d’écorchures.
Mais que vous quitterez de toute manière.
Avec un peu plus de douceur.
Ou de fracas.
Quand vous ouvrirez les yeux, vous saurez.
Car vous aurez entendu.
La ritournelle lancinante des colombes qui ont décidé de rester malgré tout.
Leur chant vous ramènera à la terre.
Vous aurez alors envie de courir pieds nus dans la rosée.
Et vous le ferez.
Pour vous enivrer encore une fois de ses perles fraiches déposées dans l’herbe.
Avant que ne revienne la pluie qui écrase tout.
Vous courrez jusqu’à l’essoufflement.
Puis jusqu’à l’épuisement.
Éreintée.
Un peu perdue.
Vous vous laisserez choir dans les herbes quelque peu desséchées.
Les bras en croix.
Face au soleil encore un peu frais.
Et vous sourirez.
En pensant que vous êtes prête à accueillir les couleurs changeantes des feuilles.
Leur dessèchement.
Puis le repli en repos salvateur.
Enfin, vous vous roulerez dans ces herbes.
Mi caressantes.
Mi piquantes parfois.
Unie à la terre.
Rassurée, vous vous relèverez pour offrir, une dernière fois peut-être, vos bras au soleil maintenant cuisant.
Jusqu’à la brûlure.

Anne
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TRACAS D’ÉTÉ

cucuswa (n.m.) : cul qui cuit sur le siège de la voiture.
maxbronx (n.f.) : marque de bronzage disgracieuse.
splashbeurk (n.f.) : tache que laisse un moucheron écrasé sur un T-shirt d’un blanc immaculé.
gourdepidron (n.f.) : marque de goudron surchauffé sur la plante des pieds.
beurktrans (n.f.) : odeur de chien chaud transpirant sur la banquette arrière d’une voiture.

Anne
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mercredi 2 juillet 2014

28 juin 2014

CARTE POSTALE POUR TOURISME MINIMAL

Bons baisers depuis la glace de ma salle de bain qui, comme tous les matins, me renvoie la décrépitude de mon corps : épis indomptés, valises sous les paupières, seins en forme de gouttes d’eau asséchées, pneu Michelin au nombril, pattes des singes, etc.
Meilleurs souvenirs de ce voyage matinal.
Pilouse

Anne
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Coucou de la rue de la Tour neuve à Orléans !
Je t'écris d'une des pires rues de la ville ! Tu me diras « pire que le trottoir des quais de Loire avec ses affreux pavé si néfastes aux fines chevilles ornées de jolies chaussures à talons ? ». Je te répondrai « oui ». Pire encore, car elle cumule trois handicaps : elle est en côte quand je vais au travail, ce qui n’accélère pas mon entrain déjà faible,  l'un des trottoirs a les mêmes affreux pavés et l'autre descend dangereusement vers la chaussée. C'est là que le bât blesse : tu n'as jamais les deux pieds à la même hauteur, cette sensation de déséquilibre m'exaspère. J'ai pourtant une jambe légèrement plus courte que l'autre mais ça ne suffit pas à compenser le désagrément. Bref, je me fais l’impression d’être un dahu des montagnes alors que je ne suis qu'un être humain qui devrait avoir droit à des trottoirs à l'équerre !

Sophie
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AUX SOURCES DE NOTRE MUSIQUE PERSONNELLE

Plic, plic, plic ?
Ou
Ploc, ploc, ploc ?
A moins que : Plac, plac, plac ?

Plic, ploc, plac ?
Oui.
Plic, ploc, plac.
Elle se souvient.
La chambre.
Lattes de parquet disjointes.
Deux volets de bois en tuile.
Dehors : la chaleur d’un mois d’août.
De dans : la fraicheur contenue.
Et, le temps qui semble suspendu.
Rythmé par : Plic, ploc, plac.
Plic, ploc, plac.
Plic, ploc, plac.
En berceuse ininterrompue.
Qui invite au sommeil.
Et invente le lâcher prise.
Plic, ploc, plac.
Elle ferme les yeux dans l’après-midi de l’été.
Plic, ploc, plac.
Et marche.
Plic, ploc, plac.
Et chemine.
Plic, ploc, plac.
En horizons imaginés.
Plic, ploc, plac.
Et sombre en lumière.
Plic, ploc, plac.
Et en rêve.
Plic, ploc, plac.
Dans le lointain de son voyage.
Plic, ploc, plac.
Se tait.
Silence.
Errance.
Elle lui avait pourtant dit : Nous nous reverrons.
Elle le lui avait promis.
Silence.
Errance.
Elle se perd.
Elle est perdue.
Lui revient cette phrase en mèche de cheveux interminable :
Nous nous reverrons.
Nous nous reverrons.
Nous nous reverrons.


Lumière.
Blanche.
Réveil en sursaut.
Les yeux ouverts sur le plafond craquelé.
Le cœur battant.
Plic, ploc, plac.
Plic, ploc, plac.
Une larme coule en coin de joue.
Et sèche.
Plic, ploc, plac.
Plic, ploc, plac.
Les yeux fermés sur son cœur apaisé.
Plic, ploc, plac.
Du bout de ses lèvres sèches, elle murmure le bruit de l’eau qui marque le tempo.
Plic, ploc, plac.
Se lève et se met à sautiller.
Sur le parquet aux lattes disjointes.
Plic.
Ploc.
Plac.
Elle s’avance vers la fenêtre close, en marge d’ombre.
Plic, ploc, plac.
Et souffle à la vitre fraiche.
Plic, ploc, plac.
Plic,  Nous.
Ploc, nous.
Plac, reverrons.
Plic, ploc, plac.
Nous nous reverrons.
C’est une promesse.

Plic, ploc, plac.
En lumière blanche.
Plic, ploc, plac.
D’étoiles.
Plic, ploc, plac.
Et de Lune.
Plic, ploc, plac.
Elle glisse jusqu’aux lattes de bois.
Son corps l’abandonne.
Aussi.
Plic…
Ploc…
Plac…

Plic…

Jazz.

Anne
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J’aime beaucoup écouter la radio. Écouter mes disques, les musiques que j'ai choisies, que j'aime, que je connais, me fait rester dans un entre-soi confortable. Ces musiques-là, je les collectionne comme on s’entourerait de doudous, amis connus auxquels se raccrocher, mais je ne les écoute pas si souvent.
J'écoute surtout la radio, pour les émissions certes, mais aussi pour toutes ces musiques, ces chansons que je n'entendrais pas autrement car elles ne font pas partie de mon univers habituel.  Le non-choix est aussi un attrait supplémentaire. J’aime souvent prendre la vie comme elle vient, laisser arriver les choses jusqu'à moi et me débrouiller ensuite avec, en les acceptant ou en tentant de les retourner à mon avantage.  Laisser à un programmateur inconnu la possibilité de choisir à ma place me plaît : écouter un jour une émission sur la naissance du rap, une autre fois découvrir les chants traditionnels réunionnais, une autre encore la voix limpide d'une Suédoise douce et blonde…Grâce à la radio j'ai abordé d'autres régions musicales que celles de la tradition familiale. Beaucoup de culture « mainstream » certes, mais parfois aussi des pépites surprenantes, des inconnus devenu célèbres plus tard, des musiciens estimés mais peu diffusés, que je suis parfois la seule de mon entourage à connaître. Laisser venir à moi les musiques du monde entier, être ouverte à tous les rythmes, voyager à travers les ondes, découvrir des stylés insoupçonnés…Passive, je les laisse m’aborder, active je traquerai, pendant des années s'il le faut, mes préférées pour les faire entrer dans ma collection de madeleines musicales.

Sophie
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dimanche 15 juin 2014

31 mai 2014

ANIMAUX IMAGINAIRES

Amie des animaux sauteurs et des poissons, la kangouroussette stocke en sa poche ventrale ses minuscules alevins poilus. Sur terre, comme dans l’eau, elle effectue des bonds imprévisibles, se nourrissant d’herbes et de larves.

Elégant et gracieux malgré sa masse imposante, le sourhinocéros est vif. Il se nourrit de petites graines qu’il amasse dans les plis adipeux de son ventre mou et danse la carmagnole au son aigu de ses petits couinements bien connus. Il entretient son poil soyeux en se roulant dans la boue et lisse ses fines moustaches en s’aidant de ses lourdes et grosses pattes.

Anne
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Le wapitigre est un animal fatigué de naissance. En effet, constitué d’un arrière-train herbivore de wapiti et d’un avant-train carnivore de tigre, la partie antérieure de l’animal cherche à dévorer sans cesse la partie postérieure, dans une course toujours vaine.  Ce mouvement perpétuel produit sur le corps entier de la bête un stress permanent. De temps en temps, le wapitigre se rend compte qu’il existe d’autres proies autour de lui et il peut alors combler la faim qui le tenaille depuis plusieurs jours.

Sophie
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OBSERVATION

Premier jour de vacances dans cette villa balnéaire sur la côte basque. Elle est telle que je l'ai toujours rêvée : une villa du début du siècle dernier, avec ses faux colombages en ciment, ses escaliers qui tournent, sa vue sur la mer si proche. Et surtout, surtout des bow-windows qui s'ouvrent sur la plage. Depuis que j'ai lu Jane Eyre je suis amoureuse de ces baies un peu en avant sur une façade. Comme elle je rêve de les agrémenter de coussins moelleux et de m’y isoler pour lire ou écrire : l’hiver protégée par d’épais rideaux de velours, l'été la fenêtre ouverte sur le paysage plein-cadre. Ici mes vœux ont été exaucés : un bow-window sur la mer, l'immensité maritime. Si je me décale, j'aperçois aussi les promeneurs le long du chemin côtier. Cela me permet de me distraire ou d'observer le monde, un petit monde certes, comme il va. Je sens que je vais passer de longues heures fructueuses à ce poste d'observation et de farniente.

Nous en sommes au troisième jour de notre quinzaine passée ici et il pleut depuis le début. Autant dire que je profite au mieux de ma petite niche, même si j’aimerais aller m’ébrouer dehors. Je lis, je regarde les oiseaux dans le ciel, je rêvasse en pyjama…Vu le temps, les passants sont peu nombreux mais il passe pourtant quelques ornithologues forcenés, bravant la pluie pour aller observer quelques bestioles bien cachées. Je ne me lasse pas de voir les vagues se précipiter avidement sur les rochers, d’écouter le choc de leurs embrassements puis d'assister au retrait des amantes furieuses. Je pourrais contempler ce spectacle pendant des heures, puis m'endormir bercée par leur rythme fracassant.

Le soleil est enfin revenu cela me donne envie de sortir mon calepin. Au sixième jour il a percé les nuages pour illuminer la bibliothèque où se trouve mon bow-window. Toute la matinée j’ai guetté les promeneurs. Entre la fenêtre et la mer, il y a d'abord le jardin où nous accueillent des chaises longues et une table pour le thé. Derrière la clôture, au fond du jardin, on distingue très bien le sentier, puis on voit la plage. Celle-ci n’est pas très fréquentée, sans doute parce que les cailloux y sont plus nombreux que les grains de sable. On voit de tout parmi les passants : des jeunes filles élancées en micro-short et brassière, portant des sacs démesurés, des randonneurs armés jusqu'aux dents de chaussures à crampons et de bâtons de marche, des enfants joyeux qui courent après des ballons…En fait ce doit être les mêmes gens que je croise le reste de l'année, mais le costume estival les fait rentrer dans un autre rôle. Même en vacances il y a toujours une part de mise en scène : la jeune fille qui provoque les amours de vacances, le randonneur qui se veut aguerri et qui profite du grand air dont il est privé le reste de l'année, seuls les enfants, peut-être, restent eux-mêmes : insouciant et joueurs.

Sophie
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